"... Les Itanésiens,
selon le
glossaire, étaient des êtres qui
possédaient une seule oreille mais,
comme il vient d'être dit, si
développée qu'elle leur cachait tout le
corps. Ils se déplaçaient à
grand-peine : leurs jambes faibles et
molles se prenaient dans leur long lobe, le cartilage de leur pavillon
auriculaire s'accrochait de toutes ses saillies aux pierres et aux
herbes des chemins. D'ailleurs ils n'aimaient pas bouger. Le plus
souvent, pendant la journée, ces créatures
rampantes se terraient dans
des grottes sombres, se réfugiaient dans la paix des bois.
Mais, là
aussi, le chant, le gazouillement et le sifflement des oiseaux, la
chute des pommes de pin, le grincement des écorces et
jusqu'au
bruissement des arbres en train de pousser assaillaient et
assourdissaient leur ouïe délicate. Le pavillon
collé au sol, étendu,
immobile, l'Itanésien attendait patiemment le silence de la
nuit. Et
lorsqu'enfin les rayons du soleil s'éteignaient et que le
jour se
taisait, à court de bruits, il se détachait
doucement de la terre -
d'abord l'extrémité, l'ourlet, puis toute
l'oreille - et il se rejetait
en arrière avec volupté et tendait vers le ciel
étoilé son organe
merveilleux, pour écouter ce qu'il pouvait seul entendre..."
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